À l’heure du tout-numérique, l’e-book commence à percer dans le paysage littéraire français. Si les ventes avoisinent encore les 1 % du chiffre d’affaires dans les grandes maisons d’édition françaises, elles s’élèvent à 20 % aux États-Unis, précurseurs en la matière. Alors qu’attendent les éditeurs français pour se lancer dans cette aventure dématérialisée ?

Divers supports de lecture numériqueSi le marché des e-books se développe depuis 2007 avec l’essor des tablettes numériques et des liseuses, la progression de ce marché reste encore faible en France. En effet, notre pays est très attaché au livre papier et se soucie de la survie du secteur culturel qu’il représente. Or, si la France devait suivre le modèle porté par les États-Unis, qui clame pour 2012 une part de 20 % des ventes d’e-books dans le chiffre d’affaires global de l’édition, elle perdrait la diversité de ses points de ventes. Car l’achat en ligne, depuis son support électronique (que ce soit un ordinateur, une tablette, une liseuse ou un smartphone) cannibalise les ventes en librairies traditionnelles – comme en atteste la lente disparition du fameux libraire américain Barnes & Noble, qui a annoncé en janvier 2013 qu’il comptait fermer le tiers de ses librairies d’ici dix ans.

On comprend donc mieux, vu les risques, la réticence du marché éditorial français à s’ouvrir complètement au livre numérique, surtout lorsque des géants du e-commerce comme Amazon et Apple se taillent la part du lion.

Les réserves des lecteurs

L’hésitation des éditeurs français à se lancer dans l’aventure numérique a des conséquences sur le marché en lui-même : beaucoup de Français « boudent » l’e-book, et ce pour plusieurs raisons.

La première est celle du prix. Depuis mai 2012, la loi Lang sur le prix unique du livre est appliquée à l’e-book, ne permettant ainsi pas de faire des réductions sur les achats de livres numériques par les e-librairies. Et en France, le prix moyen d’une nouveauté e-book est de 15 euros, soit une réduction de 25 % à 30 % pratiquée sur le prix du livre papier grand format. Mais cela reste trop cher pour les lecteurs, qui ne voient pas l’intérêt de dépenser une telle somme pour un fichier quand ils peuvent se procurer le même contenu pour 7 euros – avec un livre au format de poche.

La seconde raison du manque d’intérêt des Français pour le livre numérique est la question des DRM. L’industrie du livre a appris des erreurs des secteurs de la musique et du cinéma, et la plupart des éditeurs ont décidé d’apposer des DRM (Digital Right Managements) à leurs e-books. Les DRM sont une protection visant à dissuader les utilisateurs de pirater les livres numériques ou de les partager avec d’autres lecteurs. Cependant, il a été constaté que ces protections sont inefficaces (car quiconque souhaite pirater un livre n’a qu’à en scanner une version papier, comme le font les « serial scanners ») et qu’elles gênent les utilisateurs – ainsi, certains e-books sont inaccessibles après leur achat, et on ne sait même pas si ces fichiers seront utilisables au long terme.

S’ajoutent à ces deux raisons majeures des catalogues incomplets et le problème d’interopérabilité entre les formats (un e-book acheté sur Kindle n’est ainsi pas lisible sur une liseuse Sony, car Amazon privilégie un format propriétaire).

2012 : Un marché en pleine expansion

Malgré toutes ces réticences, le marché de l’e-book francophone s’est développé en 2012 : les éditeurs ont commencé à numériser leurs nouveautés – et parfois leur fonds – et la multiplication de l’offre des supports (notamment avec l’arrivée en France du Kindle et le lancement des liseuses Kobo Mini et Glo en octobre 2012) a incité le public français à s’intéresser à la lecture numérique.

De nombreux efforts ont été fait par les maisons d’édition pour proposer leurs nouveautés à la fois en version digitale et papier : d’après la mission Lescure sur l’exception culturelle (lancée en septembre 2012), « Entre 70 et 80 % des livres de la rentrée littéraire de 2012 ont bénéficié d’une sortie numérique et un grand programme de numérisation de livres indisponibles du xxe siècle doit être initié courant 2013 ».

14 % des lecteurs auraient déjà lu un e-book et, selon une récente étude de GfK présentée le 7 février 2013 lors d’une manifestation destinée aux professionnels des loisirs culturels, le marché du livre numérique représenterait 21 millions d’euros du chiffre d’affaires global en 2012.

Que peut-on attendre du marché de l’e-book francophone en 2013 ?

Aux vues de ce récent boom du numérique en France, on peut estimer que les éditeurs développeront leur offre (qui est évaluée aujourd’hui à 75 000 titres, pour 620 000 références disponibles en format papier), en proposant notamment les œuvres indisponibles. Nous assisterons en 2013 à de nombreux débats sur la question de l’harmonisation de la TVA en Europe, de la pertinence des DRM, du prêt numérique pour tous en bibliothèques ainsi qu’à de nouvelles initiatives, concernant notamment le développement de l’HTML 5 et l’utilisation du format ePub 3.

Et vous, que pensez-vous de l’état du marché numérique actuel ? À votre avis, quelles actions doivent être prises en 2013 pour développer l’offre numérique française ?