les-couleur-editions-paletteQui ne souhaite pas faire de son enfant un petit génie cultivé ? Les maisons d’édition jeunesse l’ont bien compris, et la plupart ont intégré, au sein de leur catalogue, un ou plusieurs titres destinés à enseigner l’art aux jeunes de tous âges. Certaines, comme Palette, ont une ligne éditoriale entièrement dédiée à l’art pour les enfants. Comment cette maison s’adapte t-elle à l’âge de ses lecteurs ? Quelles sont ses grands succès et échecs ? Enfin, peut-on dire que les plus petits comprennent l’art ? Pour répondre à toutes ces questions, j’ai interrogé Didier Baraud, fondateur des éditions Palette.

Bonjour Monsieur Baraud, combien de collections de livres d’art pour enfants contient votre catalogue ?

On a différentes collections qui s’adressent à différentes tranches d’âge. Nous avons une première collection qui s’appelle « L’art pas à pas » qui est destiné aux touts petits à partir de deux ans environ, où on illustre des petites fictions avec des œuvres d’art. Si on remonte en tranche d’âge nous avons une collection qui s’appelle « Puzzl’art », où on a différentes thématiques comme les couleurs, la mer, les portraits, les animaux, les formes. Dans les activités encore, nous avons une collection qui s’appelle « Art en forme » qui reprend un des grands principes de l’édition qui est de faire des livres avec des autocollants. Quand on remonte encore en tranche d’âge, on a une collection, qui a été une de nos premières collections d’ailleurs, qui s’appelle « L’art et la manière », c’est une collection qui est majoritairement constituée par des monographies et plus récemment par des courants comme le surréalisme ou le nouveau réalisme. Et puis on commence à s’écarter un peu de l’art officiel proprement dit où on a traité par exemple du street art et aussi de l’art des continents, on a fait un titre sur l’Afrique et un titre sur l’Océanie.  Nous avons une autre série destinée aux adolescents ou aux jeunes adultes que l’on appelle « Création contemporaine » où l’on a traité de l’art contemporain, du design, de l’architecture contemporaine et du land art. C’est à peu près les grandes collections ou séries qui constituent le catalogue Palette. Après il y a des titres totalement hors série ou hors collection qui sont complètement uniques.

Comment définissez-vous les tranches d’âges et comment vous adaptez-vous par rapport à celles-ci ?

Ça dépend des thématiques parce qu’il y a tout naturellement dans l’édition jeunesse, qui est destinée à un lecteur, qui dépendent de plusieurs paramètres : sur la facilité de compréhension du thème ou des textes à l’intérieur, sur le nombre de pages qui ne doit pas être très élevé et même si on le fait naturellement pour d’autres titres, il faut essayer de soigner la fabrication, par exemple sur les couvertures pour que le livre soit attractif pour les plus petits.

Sur la création contemporaine on cible plus les ados et jeunes adultes parce que, effectivement, parler de l’architecture, du land art ou de l’art contemporain, n’est pas évident pour les plus jeunes et en plus on évoque des concepts qui sont assez pointus. L’architecture ou l’art contemporain ce n’est pas évident, même si on est environné par ces thèmes, il faut les comprendre et nous c’est notre travail d’expliciter tout ça, de faire qu’un adolescent ou un jeune adulte regarde autrement l’architecture, l’art contemporain ou le design. On est toujours attentif à cette méthodologie, c’est-à-dire nombre de pages et difficulté du texte toujours adaptée par tranches d’âge. Et puis on a le souci de faire des livres attractifs, car il est vrai que les enfants ne vont pas naturellement vers un livre d’art et que c’est plutôt les parents qui achètent les livres d’ailleurs parfois un peu pour eux.

Quel est votre plus grand succès éditorial chez Palette ?

Le plus grand succès je crois que c’est Ma première histoire de l’art où on doit être, nous avons vendu entre 20 et 25 000 exemplaires. Le dernier grand succès c’est un petit bouquin qu’on a sorti au mois de mars 2012 qui s’appelle Les vraies histoires de l’art et qui est une sorte de BD en trois cases où l’on rappelle de façon humoristique ce qui s’est passé avant le tableau. Et là, entre mars et décembre 2012, on en a vendu plus de 12 000 exemplaires. C’est un succès pour un ou des titres qui traitent des arts plastiques, car comme je vous l’ai expliqué, c’est un secteur étroit, un secteur difficile car les enfants ne vont pas aller naturellement vers des livres d’art.

Au contraire, quel a été votre plus grand écher et comment l’expliqueriez-vous ?

Tous les échecs s’expliquent un peu. En 2005, on a sorti deux grands livres sur la photographie sur la ville et sur les enfants, deux grands formats et en fait le format était très grand, bien plus grand qu’un A3. On a pris cette démarche d’avoir la photographie en pleine page sans explications et d’avoir l’explication de la photo au verso de l’image car on pensait aux enseignants. Eux pouvaient travailler avec les élèves avec une première approche visuelle liée à l’émotion, où les enfants pouvaient commenter la photo. La photographie est un domaine qui est très compliqué dans l’édition, les livres de photos ont beaucoup de mal à se vendre et donc on a attaqué un peu la face nord avec ces deux titres et ç’a été le plus gros échec puisqu’on a eu 70 % de retours.

Une question différente, pensez-vous que l’art puisse être compris par de jeunes enfants ?

Je ne dirais pas compris, le mot est à mon sens est un peu fort. Pour l’anecdote, on a publié un livre au printemps dernier qui s’appelle L’art des bébés et on s’est basé sur des études ophtalmologiques. Les premiers mois après leur naissance, les bébés ne voient pas les couleurs, ils voient seulement les contrastes, le blanc et le noir, après la vue se forme. Donc on a fait un livre pour les bébés, disons entre zéro et quatre mois, avec des œuvres d’art plutôt contemporaines. Un bébé ne comprend rien, il est attiré par des formes et c’est très amusant parce que ça fonctionne, et ça fonctionne même très bien. Le titre a bien fonctionné, d’ailleurs on s’est amusé au dernier salon de Montreuil, à le mettre devant des bébés qui commençaient à avoir les yeux qui papillonnaient.

Sinon, depuis le début de Palette, et notamment dans la collection de monographies « L’art et la manière », on a essayé d’amener le jeune lecteur vers une œuvre, non pas en expliquant la vie de l’artiste mais en rentrant dans l’œuvre et en essayant de le sensibiliser à la composition, à la thématique qui est traitée dans cette œuvre, pour donner l’envie de regarder. C’est un peu ça notre mission, notre volonté c’est effectivement de faire réagir le lecteur, de lui donner des informations d’ordre sensible, j’insiste sur ce mot, et qu’il la comprenne ou qu’il ne la comprenne pas, je ne suis pas sûr que ce soit important. Ce doit être une rencontre, comme une histoire d’amitié entre deux êtres ou comme quelque chose que l’on peut apprécier dans la vie. C’est un apprentissage du regard finalement, il n’y a rien a comprendre, il y a seulement à apprécier, c’est comme un bon moment de la vie, un rayon de soleil, que sais-je ? On veut donner cette notion de plaisir par rapport à une œuvre, mais on peut aussi présenter des choses qui peuvent ne pas plaire dégoûter. On ne veut pas mettre les arts plastiques sur un piédestal, on ne veut pas que ce soit des chefs d’œuvres. Nous, adultes, nous passons devant un tableau parce qu’il n’émet rien. Je pense que les jeunes lecteurs peuvent aussi avoir cette sensibilité, mais il faut un peu distiller tout ça au fil des livres, au fils des années. C’est pour ça qu’un tout petit lecteur peut nous suivre jusqu’à son adolescence.