En lutte contre les dictatures. Le Congrès pour la liberté de la culture (1950 – 1978), Roselyne Chenu – 5 avril 2018

 

34777637_10215456852644159_294009641195536384_nRoselyne Chenu et son livre, En lutte contre les dictatures. Le Congrès pour la liberté de la culture (1950 – 1978)

 

Lors de la masterclass du 5 avril 2018, le master IEC a eu le plaisir d’accueillir Roselyne Chenu, venue nous présenter son dernier livre : En lutte contre les dictatures. Le Congrès pour la liberté de la culture (1950-1978). Cet ouvrage, publié aux éditions du Félin, se présente comme un témoignage en l’honneur du Congrès, une association internationale bien souvent méconnue, qui a favorisé la diffusion des idées en permettant à nombre d’intellectuels du XXe siècle de s’informer, de se rencontrer, d’échanger et de se lire. L’occasion donc de revenir sur 28 années de combat au service de la liberté de penser, de s’exprimer, et du respect de la diversité des opinions.

Roselyne Chenu au service de la culture 

Si dans son parcours rien ne destinait Roselyne Chenu à rejoindre le Congrès pour la liberté de la culture, ce sont les livres et sa passion pour la littérature qui lui ont fait comprendre l’importance de la circulation des idées. Après des études de chimie, elle est professeur de mathématiques et de sciences dans l’enseignement secondaire. Ce n’est que plus tard qu’elle deviendra responsable du programme européen du Congrès, aux côtés du poète Pierre Emmanuel. Elle participera avec lui à la création en 1966 de la Fondation pour une entraide intellectuelle européenne, puis en 1974 de la Fondation d’Hautvillers pour le dialogue des cultures. Elle en sera secrétaire générale pendant plus de 10 ans.

Qu’est ce que le Congrès pour la liberté de la culture ?

Fondé en 1950 à la suite d’une réunion internationale tenue à Berlin, le Congrès aura son siège à Genève et son secrétariat international à Paris. Association culturelle, son objectif premier était de donner une réponse morale et politique aux menaces totalitaires de l’époque. Dans un contexte de guerre froide, il fédéra dans plus de 35 pays à travers le monde des personnalités et des groupes composés essentiellement d’écrivains, d’universitaires, mais aussi d’intellectuels et de journalistes. Après le scandale de 1967, qui mit en lumière les financements du Congrès par la CIA de 1950 à 1966, il poursuivit ses activités jusqu’en 1978 sous le nom d’Association internationale pour la liberté de la culture.

Roselyne Chenu rejoint le Congrès en 1964. En charge du programme européen, ses tâches sont multiples : attribution de bourses de voyage et d’étude, organisation de colloques internationaux, suivi des activités des correspondants et comités locaux, envoi de livres et de revues, gestion d’un fonds d’aide destiné aux écrivains et artistes exilés … Ce sont ses expériences et la vie du Congrès au jour le jour qu’elle a voulu retracer et mettre en lumière lorsqu’elle entreprit l’écriture de son dernier livre.

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Conception de l’ouvrage : 14 ans de travail sans relâche

C’est avec passion que Roselyne Chenu nous raconte le long processus qu’a été la conception de son livre retraçant l’histoire et les combats du Congrès : un travail de longue haleine, même si elle n’en est pas à son premier ouvrage. En effet, dans les années 1970-80 elle publie les actes de plusieurs colloques internationaux dont elle a retranscrit non seulement les communications, mais aussi les discussions et autres interventions. En 1994 paraît son livre Paul Delouvrier ou la passion d’agir aux éditions du Seuil puis, en 1997, Le Désert, petite anthologie aux éditions du Cerf et, en 2002, Instants du désert aux  éditions du Chêne. Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle entreprendra une plongée dans ses souvenirs afin de relater une histoire vécue du Congrès, avec ses combats contre le totalitarisme et ses interventions à travers le monde pour faire valoir la libre circulation des idées et de la culture. Après nous avoir mis en garde contre « les erreurs de faits ou d’interprétation » dans divers ouvrages consacrés à ce sujet, elle nous fait part de son désir de restituer l’histoire de cette association, telle qu’elle l’a vécue : témoignage à la fois authentique, fédérateur et personnel. Ainsi commence cette aventure.

C’est à l’aide de ses souvenirs, de ses agendas et journaux personnels, de ses comptes rendus d’activités et autres documents conservés chez elle ou dans des archives en Europe et aux Etats-Unis, qu’elle commence à concevoir son récit. Elle est parvenue à rassembler un total impressionnant de 5 800 documents qu’elle va lire, analyser et classer avant de commencer à écrire. Mais à la suite d’un accident de santé, elle a l’idée d’un livre sous forme d’entretiens. Ce qu’elle propose alors à Nicolas Stenger, un jeune historien auquel elle avait précédemment donné quelques conseils pour sa thèse de doctorat consacrée à Denis de Rougement et qui accepte. De cette collaboration résulteront environ 25 heures d’entretiens enregistrés puis retranscrits. Roselyne Chenu découpera chaque question-réponse pour en faire autant de pièces d’un puzzle de souvenirs, d’anecdotes, de figures emblématiques, d’idées et d’histoire qui, au fil des pages, redonnera vie au Congrès.

 

 

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C’est finalement en 2016 qu’elle aura un manuscrit à proposer à un éditeur. Après avoir essuyé plusieurs refus ou même absences de réponse, ce sont finalement les éditions du Félin qui verront dans ce manuscrit « un témoignage capital pour mettre en valeur un pan entier, et incroyablement peu étudié, de la vie intellectuelle de la seconde partie du XXe siècle» et décideront de le publier.

Animée par son expérience, Roselyne Chenu a livré aux étudiants du master IEC, ce jeudi 5 avril 2018, un témoignage fort, personnel et empli de convictions portées avec bienveillance et le désir de transmettre, toujours. La circulation des idées, c’est aussi cela. Ce livre, plus qu’un témoignage, est un héritage. Une ode à la liberté intellectuelle et culturelle, traversant les âges et résonnant encore, particulièrement aujourd’hui.

Équipe Masterclass :

  • Relations publiques et presse : Charlotte Lebot, Justine Lépinette, Anabelle Machou.
  • Communication événementielle : Virginie Lassarre, Henri Lallement, Laura Kacem.