Nous sommes nombreux à vouloir, un jour peut-être, monter notre propre maison d’édition. Mais à première vue, cela peut sembler mission impossible. Pour prouver le contraire et dégoter quelques conseils bien utiles au passage, j’ai interrogé Véronique Sales, co-fondatrice des Éditions Vendémiaire.

Pourriez-vous me présenter Vendémiaire ?

Vendémiaire est une maison d’édition qui a été créée au printemps 2010, donc qui a trois ans d’existence et qui a commencé à publier un an plus tard, donc début  2011. Nous avons actuellement au catalogue une cinquantaine de titres. Au début nous étions deux, mon associé et moi et peu à peu la maison s’est étoffée.Nous travaillons en permanence avec des extérieurs qui sont les graphistes, les compositeurs et puis évidemment tous les services référents à une maison d’édition, que ce soit les imprimeurs ou les commerciaux. En permanence à l’intérieur de la maison d’édition on a trois ou quatre personnes, cela dépend des moments, avec des contrats d’apprentissages, un CDD et des stagiaires.

Pourquoi avoir choisi de monter votre propre maison d’édition ?

C’est la vraie question ! Donc en fait j’avais un parcours dans l’édition qui était un parcours au sein de grandes structures où j’ai toujours fait de l’édition de sciences humaines, plus particulièrement d’histoire mais aussi dans une structure universitaire de la géographie, de la littérature, etc. C’étaient des expériences qui, à chaque fois, ont duré quelques années et je me suis rendu compte qu’il y avait un hiatus qu’on ne pouvait pas combler entre la production que je souhaitais faire, c’est-à-dire des livres de sciences humaines, et d’histoire en particulier, avec des petits chiffres de vente et des tirages faibles, et les grandes structures auxquelles j’avais appartenu et qui publiaient ce type de livres à côté d’autres et pour lesquelles les sciences humaines étaient une activité très difficile. Ces malheureux livres de sciences humaines, quand vous êtes dans une grande structure, sont très difficiles à faire vivre car ils sont généralement considérés comme le maillon faible, et ce n’est pas là que vont porter les grands efforts commerciaux et promotionnels. Par ailleurs, le groupe étant tellement important, la rentabilité exigée de chaque ouvrage est extrêmement élevée aussi. D’emblée, le livre de sciences humaines n’atteignait pas le seuil de rentabilité exigée. Après avoir accumulé ce type d’expériences, je me suis posée la question : « Est-ce vraiment ce type d’édition que je veux faire ? » Non, et je me suis dit que ce que je voulais faire nécessitait une structure très légère. Je me suis dit également que je laissais derrière moi, à chaque fois que je quittai une maison, beaucoup de choses, les auteurs que j’avais amenés, les collections que j’avais crées. Je voulais construire quelque chose qui dure, et par conséquent la meilleure façon de faire c’était d’être chez soi.

Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées lorsque vous avez créé Vendémiaire ?

Je n’avais pas du tout un esprit d’entrepreneur donc je m’en faisais toute une histoire de créer une société. Et en fait c’est très simple. Contrairement à ce que l’on peut croire c’est très simple, bon c’est vrai qu’au début un avocat m’a aidée, il a mis en place tout le système juridique, création d’une société, etc. Le gros point crucial c’était de trouver le diffuseur, mais finalement cela s’est fait aisément car j’ai rencontré le responsable des PUF et que l’on s’est entendu plutôt bien, d’ailleurs nous leur en sommes très reconnaissant car ils ont accepté de nous diffuser alors que l’on n’avait ni image de marque ni de livres publiés à ce moment-là. Cette relation de confiance qui s’est instaurée nous a énormément aidés au démarrage de la société. Ensuite nous avons travaillé avec des gens que nous connaissions auparavant, je pense à la composition, au graphisme. Il n’y a pas de difficultés majeures que je vois. Après il y a eu des ventes qui étaient de très bonnes surprises, d’autres qui étaient mauvaises, mais on le savait aussi puisqu’on avait déjà travaillé dans ce secteur.

Quels sont les avantages à être son propre patron, et s’il y en a, les inconvénients ?

L’avantage est incommensurable, on fait exactement ce qu’on veut, on a la totale maîtrise du catalogue, de la ligne éditoriale. Vous n’avez jamais rien qui vous arrive à l’improviste que vous n’avez pas vu venir, vous n’avez pas de consignes dont vous ne partagez pas l’esprit, je trouve ça absolument idéal. Ce que j’aime beaucoup dans ce métier, c’est m’intéresser aux textes et discuter avec les auteurs, et quand vous avez un certain niveau de responsabilité dans une maison d’édition vous ne passez pas beaucoup de temps à ça, du tout même. Vous passez beaucoup de temps avec les problèmes de gestion, les difficultés de personnel, tout ce qui est relations plus politiques dans une grande entreprise. En fait ce sont des choses qui ne m’intéressent pas du tout, et j’avais vraiment l’impression de perdre mon temps et maintenant ce n’est plus le cas. Les inconvénients : il faut tout faire en même temps. Ce sont des degrés d’intervention différents et donc il y a un vrai risque d’éparpillement. Toutes les relations sont en directes avec tout le monde : avec la fabrication, avec le service commercial, les libraires. Mais on a réussi à s’organiser et maintenant les attributions sont assez claires.

Quels seraient vos conseils pour ceux qui souhaitent lancer leur maison d’édition ? Pensez-vous que l’on peut se lancer dès la fin du master ?

Cela me paraît un peu audacieux disons. Moi-même, pendant une dizaine d’année j’ai travaillé dans une publication spécialisée en histoire, c’était de la presse. On m’a recrutée pour travailler dans une maison d’édition universitaire et j’ai quand même mis un an ou deux à apprendre le métier d’éditeur de fait. Je pense que toutes les études qu’on a pu faire ne vous permettent pas de savoir vraiment ce que c’est qu’un métier, parce que c’est assez déconnecté. Donc l’expérience c’est une chose. Ensuite, je crois qu’il ne faut pas y aller juste en se disant « je vais faire des livres » ou « j’aime l’édition », il faut savoir très précisément, quel est le type de livres que l’on veut faire car cela n’a rien à voir si vous faîtes des beaux livres, des livres pour enfants, des livres de sciences humaines, ce sont vraiment des métiers tout à fait différents. Après ça, dans ce secteur que l’on veut investir, il faut être certain que l’on a quelque chose d’original à faire valoir. Je pense que ce n’est pas aussi simple de s’installer et de créer une image de marque si on n’a pas une idée très précise de ce que l’on peut apporter à de secteurs qui ne nous attendent pas car il y vraiment beaucoup de maisons d’édition, que ce soient de grandes structures ou des petites maisons. Il faut vraiment réfléchir en amont à ce que l’on aime faire, où l’on s’y connait et où on a une vraie compétence éditoriale, et où, par ailleurs, on a vraiment quelque chose de neuf, ou du moins qui n’a pas encore été fait de cette manière là, à apporter.