Les éditions de littérature jeunesse Rue du monde sont à l’honneur en ce début d’année 2012. Coup de cœur du 11e Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale qui s’est tenu à Arras le 1er mai, la maison était également l’invitée de la 26e Fête du Livre de Bron en mars dernier. Nous avons eu l’occasion de nous y entretenir avec son fondateur, Alain Serres, qui nous a livré sa vision d’une édition engagée.

À l’origine de Rue du monde, une simple question. En 1996, Alain Serres, alors instituteur, se demande : « Comment les livres peuvent aider les enfants à se construire ? ». Il a alors l’idée de construire une « rue de papier », qui irait d’enfant en enfant du monde et leur permettrait de se bâtir une culture littéraire et artistique, de développer leur ouverture d’esprit, de se construire en tant que citoyen. Les éditions Rue du Monde étaient nées.

Quinze ans plus tard, la maison compte 260 titres au catalogue, publie 30 livres par an et se dirige vers les deux millions d’exemplaires vendus. Cette petite maison d’édition indépendante, qui compte sept personnes dans son équipe, multiplie les succès, comme son Grand Livre des droits de l’enfant ou ses livres de cuisine du monde qui se vendent à plus de 100 000 exemplaires. Succès qui permettent de financer des projets qui se vendent moins facilement, des livres différents, des livres « gonflés ».

Bernard Chambaz, auteur de plusieurs romans aux éditions Rue du monde, Zaü, illustrateur emblématique de la maison et Alain Serres commentent le livre Et Picasso peint Guernica à la Fête du Livre de Bron le 3 mars 2012.

Un engagement culturel

Alain Serres confie en effet vouloir offrir aux enfants le meilleur des productions artistiques et littéraires qui voient le jour, tout en les faisant s’interroger sur le monde et sur les autres, loin des discours, entre créativité et citoyenneté, lucidité et fantaisie. Il affirme d’ailleurs : « Un livre pour enfants doit apporter quelque chose aux adultes ; sinon, c’est un mauvais livre pour enfants. »

Les livres édités par la maison n’hésitent ainsi pas à aborder des sujets sociaux et des drames humains, comme Il faut désobéir, sur la collaboration lors de la Seconde guerre mondiale, ou Je m’appelle pas Ben Laden, seul livre de littérature jeunesse à ce jour à évoquer le 11-septembre. « Titiller l’intelligence des enfants, leur esprit critique et leur sensibilité artistique » : l’éditeur a ainsi publié Et Picasso peint Guernica, convaincu que l’éducation à l’art permet de devenir un adulte plus libre. La collection « Histoire d’Histoire » quant à elle mêle fiction et documentaire pour mieux construire des citoyens.

Ci-dessous, quelques livres-clés des éditions Rue du monde :

L’engagement citoyen de Rue du monde ne s’arrête pas à la publication d’ouvrages courageux. Chaque année, lors de l’opération « L’été des bouquins solidaires », la maison d’édition offre plus de 5 000 livres à 5 000 enfants privés de vacances, en partenariat avec le Secours populaire français. Autre valeur de Rue du monde, l’écologie : tous les livres sont imprimés sur papier recyclable et biodégradable issu de forêts gérées durablement. La maison continue par ailleurs à imprimer en France, malgré un coût 30 % supérieur à la fabrication en Asie. Les livres ne sont jamais envoyés au pilon mais maintenus au catalogue, par respect du public et des œuvres des auteurs.

Zaü, Grand Prix de l’illustration 2011 avec l’album Mandela, l’Africain multicolore, en dédicace à la Fête du Livre de Bron le 3 mars 2012

Alain Serres lutte enfin pour la reconnaissance par les critiques littéraires des livres jeunesse, souvent ignorés. En réponse à François Busnel qui voyait dans la littérature jeunesse « une invention marketing destinée à écouler une production souvent mièvre », l’éditeur a écrit une lettre ouverte aux critiques littéraires, les invitant à s’offrir de temps à autre « le plaisir d’une escale sur ces îlots de littérature jeunesse qui nous sauvent des certitudes ».