Le 2 mai 2012, dans l’arène de la Plaine Saint-Denis s’est tenue la joute verbale la plus attendue de l’année : le débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle 2012.

Débat entre-deux-tours présidentielle 2012

D’inspiration américaine, le débat du second tour des élections présidentielles est apparu en France en 1974. La confrontation opposait alors Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Nous avons assisté mercredi dernier à la 6ème édition – et non la 7ème puisqu’on se souvient que suite au refus de Jacques Chirac d’affronter Jean-Marie Le Pen, il ne s’était pas tenu de débat d’entre-deux-tours en 2002 – de cet évènement politico-médiatique.

Kennedy vs. Nixon, 1960

Giscard vs. Mitterrand, débat d’entre-deux-tours présidentielle 1974

Près de 17,8 millions de téléspectateurs ont choisi de passer leur première partie de soirée devant l’une des 7 chaines qui diffusaient le débat. Même si ce chiffre révèle une baisse de l’audimat par rapport à celui constaté il y a 5 ans pour le même événement, à savoir 20,4 millions de téléspectateurs, il atteste tout de même d’un intérêt assez stupéfiant pour un échange dont la grande majorité des personnes, soyons honnêtes, n’a au final certainement pas « pipé » grand-chose.
Pour des raisons corroborant ma précédente supputation, le propos de cet article n’est pas de vous proposer une énième analyse de ce débat. Les médias français et étrangers, nos collègues, nos amis, nos voisins, notre famille s’en sont tous déjà plus ou moins bien chargés.

Ce qui m’intéresse pour ma part davantage c’est plus d’essayer de comprendre pourquoi… Pourquoi tant de personnes – moi y compris – ont fait le choix de passer plus de deux heures devant un débat surfait, annoncé, préparé, répété depuis des mois voire des années et au cours duquel les candidats ont chicané autour de thèmes souvent de manière trop technique pour qu’un français moyen puisse percevoir quelque entourloupe que ce soit ? N’y a-t-il pas mille raisons de s’interroger sur l’intérêt qu’ont bien pu y trouver tous ces spectateurs ?
Au fur et à mesure que je regardais moi-même le débat je me suis rendue compte que je n’en escomptais pas grand-chose. Je veux dire que j’ai vite compris, et peut-être même l’avais-je toujours su, qu’aucune illumination ne se produirait dans mon esprit égaré dans ce fatras de mots imperceptibles, de chiffres insignifiants, de propos discordants…

Bon allez, il est temps d’avouer… en réalité si je me suis installée devant ma télé, confortablement vautrée dans mon canapé, un petit verre de rouge à la main, ce n’était pas pour satisfaire ma bonne conscience de citoyenne française – excepté pour le choix du vin – mais pour assister à… un spectacle ! Oui, j’ai fait le choix de regarder ce débat comme j’aurais pu, pour me divertir, opter pour une comédie hilarante au théâtre, un bon film au cinéma, une bière à Oberkampf…

Hollande vs. Sarkozy, 2 mai 2012

Et pour vendre l’évènement, force est de constater que les équipes de campagne se sont affairées pendant plusieurs mois pour courroucer les esprits, enflammer les foules, exciter les adversaires. Tous les moyens sont bons pour y parvenir : propos déplacés et bavardages insolents – qui seront à coup sûr relayés par la presse et sur les réseaux sociaux – émissions télévisées ou radiodiffusées en tout genre, meeting à répétition, etc.
Alors à la suite des résultats du premier tour, on les attendait, on voulait les voir entrer sur le ring, tels Ali et Frazier en 1974, pour mener le combat de leur vie …

Ali vs. Frazier, 28 janvier 1974

Sarkozy, qui n’en est pas à son coup d’essai et que l’on sait plutôt doué en « face to face », ne s’est évidemment pas privé de lancer les hostilités avec sa fameuse « attaque de chiffres ». Sauf que depuis le temps, on sait que cette charge, pas toujours menée à la régulière, vise essentiellement à déstabiliser l’adversaire et gagner du temps. Un temps particulièrement précieux en cas de round défavorable. Hollande, qui n’avait pas une garde bien efficace au début du combat, a commencé par encaisser quelques droites, de droite, avant de se reprendre et d’assener à son tour des gifles en nombre… Ou comment un homme de gauche se nourrit de droite(s), tant et si bien qu’il est ainsi parvenu à déséquilibrer le champion en titre au point même d’affaiblir son impétueux sourire. On a particulièrement apprécié l’attaque berlusconienne de Hollande qui a porté le taux de testostérone à son paroxysme. Sarkozy, dans l’incapacité de contourner la garde désormais haute de son adversaire, a fait le choix de riposter plus bas, bien plus bas… avec l’attaque DSK ! Que dire de plus si ce n’est que nous avons assisté à un combat de très haut niveau entre deux adversaires ultra préparés, qui se connaissaient au point d’anticiper chaque attaque, surtout les plus sournoises. Un combat enfin qui n’a pas connu de KO, pas vraiment de vainqueur non plus, mais qui à priori a contenté les fans des deux pugilistes. Vivement 2017 !