« Des mots, des images et des idées pour aller se percher tout là-haut avec des livres remplis de fantaisie, d’esprit et de sens »  pourrait être la devise de la toute jeune maison d’édition Le Baron perché, crée en 2004, qui excelle littéralement dans la publication d’album de jeunesse. Tango a deux papas et pourquoi pas ? en est l’un des titres phares, mis à la disposition à partir du 25 Mars d’un public âgé de cinq ans et plus, ce conte innocent se révèle être un véritable outil pour parler de l’homoparentalité avec les tout-petits.  En effet, il n’est pas sans difficulté que d’expliquer à un enfant pourquoi son camarade de classe possède deux papas quant lui est entouré d’une mère et d’un père comme dans n’importe quel livre ou dessin animé …

L’histoire est en réalité inspirée d’un fait divers : en 2004 au zoo de Central Park, les newyorkais ont eut la grande surprise de suivre de près deux manchots mâles –inséparables depuis des années-  qui ont pu, grâce à la complicité d’un gardien, couver un œuf abandonné par les siens et élever un petit poussin femelle jusqu’à sa taille adulte, prénommée Tango. C’est dans cette célèbre institution animalière que Béatrice Boutignon, l’auteur et illustratrice de cet album, a choisi de nous projeter. Nous allons vivre la couvaison et la naissance de Tango à travers les yeux d’un petit garçon, nommé Marco. L’écriture est donc en conséquence : fluide, simple et éducative.

Les illustrations à l’aquarelle interviennent  alors comme un écho, dans un premier temps pour donner une représentation au texte et faciliter sa compréhension, mais aussi dans un second temps, pour permettre à l’enfant d’entretenir une complicité étroite avec l’album.  Ainsi, le lecteur va s’amuser à mettre le doigt sur les différents animaux décrits, et à observer les moindres détails.

D’ailleurs, la double page où les 28 pingouins mentionnés sont peints dans différentes situations  l’illustre parfaitement : « Devant moi, il y en cinq qui nagent, deux qui s’apprêtent à plonger, un qui se demande ce qu’il va faire et deux qui sortent de l’eau. » L’enfant va alors tenter de les reconnaître.

Ce jeune narrateur interroge sa mère, les soigneurs du zoo, et à chaque fois qu’un événement lui semble un peu différent, il ponctue ses observations d’un « C’est comme ça, et pourquoi pas ? ». Appliquée de manière graduée à des faits très divers tels que le fait d’aimer son chat, l’amitié entre animaux, les câlins du couple manchot, ou encore la paternité, ce leitmotiv est là pour relativiser. Il agit comme une protection contre toute polémique. Il signifie que la différence ne doit pas être perçue comme négative.

Publié une première fois en 2005 aux Etats-Unis sous le titre And Tango makes three, coécrit par Justin Richardson et Peter Parnell, l’ouvrage s’était en effet attiré les foudres d’une certaine censure. S’il affirme inconditionnellement l’importance de l’amour, l’album ne prend pas position ; il pointe des faits existants, postulant que la prévention de l’intolérance passe par la lutte contre l’ignorance.

Pourtant, celui-ci a été pour la seconde année consécutive intégré à la liste des livres les plus contestés dans les écoles publiques, mais également dans les bibliothèques, selon l’American Library Association. Fort heureusement, la démocratie française permet une liberté d’expression assurée.

Béatrice Boutignon a bel et bien réussi à familiariser l’enfant avec l’homosexualité et l’homoparentalité, et cela à travers  cet ouvrage très réussi dont la délicatesse avec laquelle il aborde ce sujet est exemplaire.

Les illustrations à l’aquarelle, pas toujours très flatteuses pour les humains, montrent de manière détaillée et sous toutes ses faces l’évolution physiologique d’un bébé manchot absolument craquant.