Ron Hornbacker

Depuis 10 ans que le bookcrossing existe, il a fait de nombreux adeptes partout autour du globe ; les bookcrosseurs en France se comptent par dizaines de milliers. Cette pratique reste pourtant assez méconnue. Le bookcrossing, autrement dit « livres passeurs » ou « livres voyageurs », est un carrefour, né du croisement de plusieurs notions combinées : la toile, la ville et le partage.

C’est le 17 avril 2001 que Ron Hornbaker met en ligne le site Internet bookcrossing.com. Cette adresse est aujourd’hui relayée par un site miroir pour les francophones et par des initiatives locales ciblées. Le principe est simple : chaque livre est identifié sur un site de référence via un BCID (bookcrossing identity) et ces deux informations doivent figurer sur chaque livre libéré.

Les cents vie du livre

Le voyage du livre est ainsi suivi à chaque étape. Mais cet échange sur la toile ne se traduit pas seulement en un passe-passe de l’objet physique : les lecteurs partagent aussi leurs impressions de lecture. Le but est de faire découvrir à d’autres des œuvres que l’on aime et de nouer des liens au sein d’une communauté créée ex libris. Le bookcrossing n’existerait pas sans le web 2.0.

La deuxième condition d’existence du bookcrossing est la jungle urbaine. Les communautés de bookcrosseurs sont concentrées autour de grandes métropoles, leurs points de ralliement physique. Déjà en ville, là où la foule se concentre, le taux de récupération des ouvrages libérés n’est que de 25 %, cela signifie que 75 % des livres sont perdus ou gardés.

Cécile Duteille, docteur en sociologie, écrit dans son étude Le bookcrossing comme nouvelle forme de rencontre urbaine que « le « bookcrossing », pratique culturelle récente, interroge l’esprit urbain contemporain, entre déterritorialisation et réappropriation de l’espace public, en mettant en jeu autrui, un livre et « moi » dans la ville. »

Des livres libérés au grand jour

Le « livre voyageur » participe en fait d’une logique antilibérale, en s’apparentant au troc ou à l’échange gratuit. Tous les membres de la communauté participent à un système égalitaire qui s’appuie justement sur la disponibilité et le désir de partage des bookcrosseurs.

La gratuité de cette pratique est elle ainsi fondatrice : loin des logiques mercantiles de la société de consommation, quelques-uns se retirent dans une bulle non-marchande, pour se défaire ou recueillir des livres qui ont vécu.

Le bookcrossing s'affiche

Connecté, urbain, gratuit, communautaire, le bookcrossing est tout ça à la fois et bien plus encore. Il n’est pas affaire d’initiés : le bookcrossing s’étale au grand jour, sur la voie publique, sur le web. il cherche sans cesse à attirer de nouveaux lecteurs par l’abandon qu’il fait de lui-même au vu et au su de tous, dans l’espace commun virtuel et physique.