Humour et politique font habituellement bon ménage, mais quand la censure s’en mêle, les gardiens de la liberté d’expression montent au créneau pour la défendre ! Car en 2011, fort est de constater que la liberté de parole acquise au fil du temps par Coluche, Bedos et leurs acolytes n’est plus !

« Les seuls à jouir de la liberté de la presse sont ceux qui possèdent un organe de presse », un adage qui semble se vérifier en se penchant sur l’actualité. Didier Porte, Gerald Dahan, Stéphane Guillon, tous trois ont été remerciés par France Inter ces derniers mois pour des textes jugés trop virulents à l’encontre d’hommes et femmes politiques, alimentant quotidiennement il y a encore peu les chroniques humoristiques à la radio.

N’en déplaise à ceux que la liberté de parole dérange, les comiques prônant le politiquement incorrect trouvent toujours le moyen de railler les traits de leurs cibles favorites. Gérald Dahan tire à boulets rouges sur les politiciens dans son dernier spectacle, Stéphane Guillon met à profit chaque apparition télévisée pour tacler les ministres de François Fillon et le chef de l’Etat, Didier Porte fait entendre sa voix aussi bien sur scène que dans ses chroniques pour les sites Arrêt sur image et Mediapart.

Dernièrement, c’est Nicolas Bedos, fils de l’un des pionniers de l’humour libre et virulent, Guy Bedos, qui agite le petit monde des médias dans une intervention qui a fait beaucoup de bruit, se moquant allègrement de Nicolas Sarkozy lors de sa chronique dans l’émission Semaine critique ! de Franz-Olivier Giesbert.

La régression des libertés individuelles
Pourtant, dans notre société démocratique pour laquelle nous sommes en droit d’attendre une totale liberté d’expression, la censure s’exerce à maintes reprises, visant principalement à museler les impertinents du service public qui sévissent à la radio. Est-ce un phénomène nouveau ou cette emprise du pouvoir s’est-elle toujours exercée ?

En regardant de près le rapport entre politique et humoristes ces dernières décennies, nous pouvons affirmer que la France régresse en matière de liberté d’expression : comment rivaliser avec le Hara-Kiri et le Charlie Hebdo du professeur Choron et François Cavanna, marqué par ses scandales et interdictions dès les années 1960 ? Qui pourrait encore prononcer les blagues parfois graveleuses de Coluche à l’encontre des blancs, des noirs, des juifs, des homosexuels, des femmes, des politiques ou encore de la police, sana créer un scandale sans précédent. Philippe Boggio, auteur du livre « Coluche, l’histoire d’un mec » publié en 2006 chez Flammarion, explique ce comportement : « On vit dans une société qui a tout vu, il y a une sorte d’auto-usure, de lassitude ».

Une censure qui s’exerce sans complexe
Un sentiment de liberté dont jouissaient nos aînés et qui s’est effrité dans le temps, à mesure que les condamnations se multiplient : après s’être moqué de François Léotard dans une émission de FR3, Pierre Desproges sera interdit d’antenne sur cette chaîne jusqu’à sa mort alors que son comparse Guy Bedos fut lui aussi privé d’antenne pendant sept ans, dans les années 1970 sous l’ère Giscard. Dans les années 1990, la justice s’en mêle lorsque Patrick Timsit est poursuivi et condamné pour un sketch où il évoquait les trisomiques.

La satire politique dérange dans les hautes sphères du pays, au point que l’on évite désormais toute confrontation. Finit les talk-shows en direct ou s’affrontent politiques et humoristes, aujourd’hui, ils se contentent de se donner la réplique par médias interposés, une façon de limiter les dégâts sans doute … C’est souvent ici que la radio prend le relai, diffusant les sketchs des comiques irrévérencieux d’hier et d’aujourd’hui. C’était sans compter sur le come-back étincelant de la censure et la naissance de ce qui ressemble à s’y méprendre à une radio d’état.

En 2011, quelques uns passent entre les mailles du filet, tel Nicolas Canteloup, spécialiste d’imitations grinçantes, jouissant encore de toute sa liberté de ton dans sa chronique quotidienne sur Europe 1. Pourtant, ses compères désertent les micros les uns après les autres, privés d’antenne pour ne pas marcher au pas et oser moquer les travers des dirigeants du pays.

La liberté de parole mise à mal, le politiquement correct érigé en maître-mot, à l’heure où la France est reléguée à la 44ème place au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, nous pouvons légitimement nous interroger : où s’arrête le politiquement correct et où commence  la censure ? Les médias et leurs dirigeants sont ils à la solde du pouvoir ? Faut-il remettre sur le devant de la scène le sempiternelle débat « Peux-on rire de tout » ?

Pour en savoir plus :

La chronique qui a fait viré Guillon
La chronique qui a fait viré Dahan