Avec un talent hors-pair, l’écrivain Emmanuel Dongala braque sa plume sur la guerre civile, en faisant parler deux héros : chacun de son côté de l’histoire.
C’est l’histoire de Laokolé, 16 ans. Si la milice congolaise n’avait pas décidé de piller son village ce matin-là, elle aurait pris la route pour le lycée. Mais à cinq heures du matin, à la radio, on annonce la guerre. Elle doit alors préparer la brouette pour sa mère cul-de-jatte et réveiller son petit frère. Ce matin-là, elle prend le minimum pour survivre dans la course, réveille sa famille, et part dans la nuit encore noire de l’Afrique.
Quand Laokolé fuit, Johnny, lui, avance. Johnny, dit Matiti Mabé, dit Chien méchant, est un jeune gars de 16 ans enrôlé dans la milice congolaise. Une milice où les chefs de rangs se font appeler « Giap », « Rambo » ou encore « Pili Pili », et où les ennemis sont baptisés les « Tchetchenes ». Johnny est ni plus ni moins un enfant soldat, attifé de colliers lourds et de mitraillettes, d’un treillis et d’une volonté de fer. Dans leur course, Johnny et Laokolé vont se rencontrer, mais sûrement pas pour boire ensemble du vin de palme ou s’échanger quelques expressions du pays…
Viols, vols, coups de matraques, ces soldats en veulent toujours plus, que ce soit pour une radio, une banane ou le sourire d’une femme. Ils n’hésitent pas à sévir si besoin est, et malheureusement, ils en trouvent toujours le moyen.
Au centre de ce carnage, il y a l’ONU, les ONG et le Haut-Commissariat pour les réfugiés, qui viennent en aide aux plus démunis. Il y a aussi les longues marches vers un monde inconnu, mais qui finit toujours par échouer. Il y a un frère qui disparait, une brouette qui tombe, une explosion… et l’exil.
Emmanuel Dongala dessine d’une main de maître une guerre absurde qui ravage un peuple. Mais il écrit aussi, et avec brillot, la force de survie d’hommes et de femmes en fuite. Dans ce récit poignant adapté au cinéma par Jean-Stéphane Sauvaire et produit par Mathieur Kassovitz, on se rend compte qu’il ne suffit pas d’avoir une arme pour vaincre. Même si elle tue des centaines d’innocents.
Ce roman a plusieurs visages. On peut le lire pour son histoire, violente et meurtrière, mais aussi pour ses paysages, magnifiques, immenses, bien plus puissants qu’un Pili Pili qui a recours au piment pour violer les femmes ou qu’un Giap, looser de chez looser, qui tue pour se sauver la face. Les voix, tantôt féminines, tantôt masculines, sont clairement départagées dans un style propre à chaque narrateur. Un style personnel qu’on ne peut pas lâcher une fois qu’on y a gouté. On a envie d’entrer dans le roman et de prendre la mitraillette des mains de Johnny, qui, tout comme Laokolé, mais à sa manière, est un enfant perdu.
Un récit à lire sans modération, qui prendra les coeurs de tout lecteur curieux des couleurs de l’Afrique.
Johnny Chien méchant, Paru aux éditions Le Serpent à Plumes (2002, 2008) et dans la collection Motifs (2007).
À lire également :
Un fusil dans la main, un poème dans la poche, paru chez Albin Michel (1973) et au Serpent à Plumes dans la collection Motifs (2003, 2005).
Thanks for sharing. I read many of your blog posts, cool, your blog is very good. https://accounts.binance.com/sv/register?ref=PORL8W0Z