Ils sont cinquante-deux. Cinquante-deux étudiants en situation de handicap à l’université de Cergy-Pontoise. C’est un nombre non négligeable puisqu’au niveau national les étudiants handicapés sont au nombre de 11 000. Pour le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, les chiffres sont en nette hausse. Poursuivre ses études à l’université tout en étant en situation de handicap reste pourtant une difficulté. Alors que propose l’université de Cergy-Pontoise et est-elle suffisamment accessible aux handicapés?

Des études pour tous

Rappel des faits. En 2005, une loi est votée pour l’aide aux personnes handicapées. Le mot à retenir est « accessibilité ». Désormais, tout doit pouvoir être accessible à une personne handicapée que ce soit un bâtiment ou un emploi. En 2007, une charte est signée entre l’Etat et les universités, suivie en 2008 d’une charte entre l’Etat et les grandes écoles. Les mesures prises ne sont pas des moindres : mettre aux normes les locaux des universités d’ici fin 2010 afin qu’ils soient accessibles aux étudiants handicapés et doter chaque établissement d’une structure d’accueil avec un référent spécifique. Le délai semble court mais les universités se mettent au travail.

L’université de Cergy-Pontoise retrousse ses manches

La faculté de Cergy-Pontoise, qui a été construite en 1991, est équipée d’ascenseurs mais aussi d’élévateurs et de portes motorisées. Mais qu’en est-il des actions liées à la charte de 2007 ? Emmanuelle Maccés, secrétaire au pôle de la vie de l’étudiant nous répond : « Nous avons mis en place une mission handicap avec un bureau d’accueil spécifique. Nous mettons à la disposition des étudiants des aménagements et des outils pédagogiques ». Ce point imposé par la charte a donc été respecté. Pour les travaux, le propos est moins enthousiaste : « Nous réalisons les travaux au fur et à mesure pour répondre aux besoins de l’étudiant. Nous avons d’ailleurs un audit sur l’accessibilité de l’établissement. Nous sommes conscients que les amphithéâtres restent un problème ». Le ministère aurait-il vu trop grand et trop rapidement ?

L’université de Cergy est toutefois très appréciée pour ses efforts sur l’accessibilité. L’accueil personnalisé aide les étudiants handicapés et les structures mises en place font la différence avec les autres établissements. Émilie, 20 ans, étudiante en deuxième année de LLCE Allemand au site des Chênes de Cergy, souffre d’un handicap moteur et se déplace en fauteuil roulant. Pour elle, suivre sa scolarité à Cergy est une « chance » : « J’ai des échos par des ami(e)s, également handicapés moteurs, qui sont dans d’autres facs (essentiellement à Paris). On peut conclure que je suis une chanceuse : non seulement le site des Chênes est plutôt bien accessible mais en plus il y a une  mission  handicap ! ».

Des actions précises

Concrètement, Cergy, comme beaucoup d’universités dotées d’une mission handicap, propose des aides réelles et adaptées. En plus de l’accueil, un référent est désigné pour aider les étudiants. Un tiers-temps est prévu pour les examens et des aides matérielles et humaines sont mises en place. Emilie est aidée quotidiennement : « L’université me fournit l’ordinateur pour passer les examens et la mission handicap installe une table dans les amphithéâtres si j’en ai besoin. Si des cours ont lieu dans des endroits inaccessibles, la secrétaire trouve d’autres salles sans problème. Dernièrement, on m’a aidé pour faire accélérer mes dossiers à la Maison Départementale des Personnes Handicapées ». Selon une enquête réalisée par l’observatoire de la santé des étudiants, 72% des étudiants handicapés affirment qu’il existe dans leur établissement un dispositif spécifique pour le handicap. Émilie affirme que le site des Chênes est un des établissements les plus accessibles : « Il y a une réelle volonté d’accessibilité et de prise en charge du handicap. Tous les lieux sont accessibles que ce soit grâce à des rampes, à des ascenseurs ou à un « monte-charge » pour la cafétéria. Des systèmes d’ouvertures par badge ont été installés pour faciliter l’accès. Mais ils ne me sont pas profitables, car je n’ai pas assez de force dans les bras pour badger. Une salle équipée d’un réfrigérateur et d’un micro-ondes a été mise à la disposition des personnes handicapées, et elle sert également de salle de repos, ce qui est appréciable ».

Des points à revoir

Cergy comme au niveau national, les ascenseurs et l’accès aux amphithéâtres restent les bêtes noires de l’accessibilité. Les ascenseurs sont en panne régulièrement et les amphithéâtres ne sont qu’une succession de marches. Emilie le constate : « le principal problème reste l’ancienneté des ascenseurs qui tombent très souvent en panne. Quand cela se produit aux Chênes I, il y a d’autres ascenseurs, ce n’est donc pas un problème. Mais quand cela se passe aux Chênes II où il n’y a qu’un ascenseur, il est impossible d’aller en cours. Le monte-charge pour aller à la cafétéria commence également à montrer des signes de faiblesse, je commence donc à me demander comment vais-je faire pour manger…J’aimerais que les portes d’entrée dans les bâtiments soient équipées d’un capteur pour une ouverture automatique ». Pourtant, le ministère a versé dès 2008 près de 15 millions d’euros de crédit aux universités pour améliorer l’accessibilité des locaux. Les établissements doivent donc se mettre aux normes mais également entretenir les équipements mis en place. En effet, la vétusté des appareils commence à prendre le dessus. Emmanuelle Maccès confie : « Nous avons un bon écho de la part des étudiants mais nous savons que nous devons améliorer l’accueil des étudiants en fauteuil roulant. Nous devons aussi régler les pannes d’ascenseur même si nous essayons de réparer au plus vite. Il y a une réelle difficulté technique. »

Un combat difficile

Ces aléas techniques sont un véritable problème pour les étudiants handicapés. Ils dépendent de ces équipements. Certains bâtiments sont complexes et le nombre d’étudiants handicapés y est donc très faible. À la Sorbonne, par exemple, les ascenseurs tombent régulièrement en panne or le bâtiment est construit sur plusieurs niveaux. À l’université Paris IV Sorbonne seulement 25 étudiants handicapés suivent les cours. Du moins c’est le nombre de personnes qui se sont déclarées puisque l’étudiant a le choix de se manifester ou non au bureau mission handicap. Sylvie Pillon, responsable du bureau « tutorat et égalité des chances » de l’université Paris IV nous explique : « Il est vrai qu’étudier en Sorbonne reste très difficile pour les étudiants handicapés. Il y a des choses de prévues mais ce ne sera pas prêt pour 2010. Il y a des escaliers partout dans le bâtiment et la Sorbonne est un monument. La mise aux normes est donc délicate ». Le bureau d’accueil mission handicap situé dans ces locaux n’est toujours pas accessible aux fauteuils roulants. De son côté, l’université de Cergy-Pontoise a su jouer de la modernité de son bâtiment et a installé plusieurs systèmes aux normes. La faculté a su proposer une aide efficace même si l’étudiant effectue souvent seul ses déplacements ou doit solliciter à de nombreuses reprises ses amis. Émilie confirme que l’absence d’auxiliaire de vie, qui aide l’étudiant handicapé dans ses déplacements, à Cergy est un problème récurrent. Mais autant dire que le chemin sera long pour arriver à une accessibilité totale dans les universités et ce au plan national, Emilie en est consciente : « Je pense que l’accessibilité est de plus en plus prise en compte au niveau des universités mais il va falloir encore attendre quelques années avant qu’on ait une prise en charge égale dans chaque université». Il reste donc pour l’année à venir beaucoup de travaux à effectuer dans les établissements.