Pour célébrer les 50 ans de leur création, les Éditions 10/18 ont présenté en janvier dernier leur nouvelle charte graphique. Une occasion pour nous de porter un regard sur un demi-siècle d’esthétique et sur sa typographie phare : l’Helvetica.

On avait entendu des déclarations voulant que la langue était fasciste. Soit. Et les typos qui la composent, elles peuvent aussi l’être, non ? En tout cas, certains surent trouver à redire en ce sens sur l’une des plus populaires d’entre-elles, l’Helvetica. L’Helveti-quoi ? L’Helveti-ça. Une armée de soldats nazis marchant en rangs serrés selon Erik Spiekermann, illustre typographe allemand – une armée qui fêtait ses 50 ans en 2006. Pourtant, et plus encore avec l’essor de la lecture sur écrans, elle demeure un élément graphique incontournable de la culture web. Ou de la culture consumériste, plus précisément, si l’on considère son usage de Toyota à Tupperware, Nestlé ou encore Orange.

Une esthétique moins uniforme et plus engageante

Bref, Helvetica c’est la grande consommation, la production de masse, la culture populaire… et jusqu’à récemment c’était en toute logique le livre de poche. Or c’est lors d’un autre jubilé, celui des Éditions 10/18, qu’on apprenait avec surprise qu’elle ne serait plus utilisée pour les couvertures. D’ailleurs, l’ensemble de la charte esthétique de la maison a été revue pour l’occasion.

Ci-dessous, la vidéo de présentation de la charte graphique par l’éditeur :

Nouvelle charte graphique 10/18 par Editions10-18

L’approche est plus moderne, plus créative aussi. On abandonne l’illustration en pleine page avec le nom de l’auteur dans le même corps que celui de l’œuvre en Helvetica. Il faut bien avouer que lorsqu’on voyait les efforts fournis en la matière par les petites structures comme Attila ou Les Allusifs, il y avait à se demander si 10/18 n’avait pas tout à réapprendre pour ce qui était du graphisme éditorial.

La nouvelle typo pour les essais et fictions contemporains, le Berthold Akzidenz Grotesk, est plus élégante, bien qu’appartenant à la même famille que l’Helvetica (dont il est l’inspirateur). La différence est notamment probante pour ce qui est de la lettre J. Cela accompagne une dynamique de créativité que l’on pouvait reprocher à 10/18 jusqu’alors tant pour ce qui est de l’iconographie que pour les quatrièmes de couverture. Moins monolithiques, celles-ci sont désormais plus engageantes.

Le changement est donc radical, comme on le voit ici avec l’évolution de la couverture de Raison et sentiments. Certains reprocheront que l’auteur est mis en avant plus que son texte, par l’usage des capitales et d’un corps supérieur. Toutefois, le tout a désormais une plus belle cohérence, la charte esthétique des différents ouvrages de Jane Austen se voulant, par exemple, similaires à une série de toiles peintes d’une même main.

Les maquettes de produits bons marchés comme les livres de poche ont tout intérêt à s’inscrire dans leur époque de publication et non dans un ersatz d’intemporalité ou de classicisme, comme c’était le cas avec l’ancien cahier des charges de 10/18. Peut-être vieilliront-elles mal, ces couvertures. Mais au moins elles demeureront un témoignage précieux, comme le sont aujourd’hui les livres de clubs imaginés par Robert Massin dans les années 1970. Et c’est aussi un moyen de faire vivre les auteurs au-delà de leur temps : vis-à-vis des classiques, le travail de l’éditeur est de les accompagner, de mettre en rapport le contenu et le public actuel.